« [Le musulman] n’était ni le producteur dont les droits sont respectés. ni le consommateur dont les besoins sont satisfaits. Il n’était, en somme, qu’un simple outil de travail continu sans qu’il ait acquis de « conscience économique » ni un apprentissage ni même un savoir dans un monde de l’économie qui lui est, au demeurant, étranger dans ses conceptions, ses structures et ses intérêts. D’une manière plus globale, et quelle que soit sa condition dans l’environnement colonial, il subissait la loi du mimétisme, la loi qu’éprouve tout être qui a perdu tout lien avec son monde originel et, partant, avec son authenticité. Il est devenu plus enclin à imiter les besoins plutôt que les moyens, car il avait perdu également sa conscience civilisationnelle. »

Durant quatre ans paraissait un bulletin périodique, Que sais-je de l’Islam, dans lequel Malek Bennabi signa quatorze articles. La ligne directrice, dans ces articles, de cet incontournable musulman penseur francophone du 20e siècle est claire : fournir au lecteur « les matériaux nécessaires à sa réflexion, les plus propres à entretenir sa vie spirituelle ».

En rééditant l’intégralité des textes publiés par Malek Bennabi dans Que sais-je de l’Islam, les éditions Héritage espèrent donc contribuer au développement intellectuel, mais aussi spirituel, du musulman. Le lecteur non initié à la pensée de Malek Bennabi trouvera, dans ce livre, une porte d’entrée idéale pour mieux découvrir cet écrivain unique en son genre et qui a tant à apprendre aux musulmans francophones.

« (.) les causes historiques découlent dans leur globalité de notre comportement et émanent de nous-mêmes et de nos attitudes à l’égard des choses…»

« Une analyse de l’orientation générale de la civilisation contemporaine (.) nous conduit à conclure que ses motivations procèdent d’un goût esthétique plus qu’elle n’émane du principe éthique. Cela veut dire qu’il y a bien inversion entre deux principes, un ordre implicite entre les chapitres de la culture. Peut-être que cet ordre, qui détermina le genre de la civilisation, remonte à l’ère de la Renaissance en Europe. »

« La société n’est pas un simple groupement d’individus, c’est une composition ordonnée et non un entassement d’individus. Une composition qui brasse des questions sacrées sur lesquelles on est d’accord.»

« La science est perçue, [dans le monde musulman], comme une opération qui vise essentiellement à accumuler les informations, non comme une opération d’assainissement psychologique au double niveau de l’individu et de la société. »

« Les élites musulmanes sont aujourd’hui au banc d’essais de l’histoire, devant faire face à une multitude de problèmes qui mettent à l’épreuve leurs dons pour la conception et leurs aptitudes à l’exécution. Et de là s’ouvre, pour une sociologie musulmane de l’indépendance, un champ d’investigations qui ne doit pas intéresser seulement le “chercheur”, mais aussi le praticien. Car la science qui ne se fait pas action est un luxe qui n’a pas encore sa place en des pays où les moyens et les cadres sont réduits. Toutes les préoccupations doivent être, en ce moment, en terre d’Islam, centrées sur la notion d’efficacité. »